Un opéra autobiographique qui ressemble à la vie
Vingt ans d’âge et pas une ride
« Tchaïkovsky le disait lui-même : « … je veux des conflits et des situations que j’ai vécus ou que j’ai vus, capables de me bouleverser… » Les dés sont jetés. Œuvre énigme vraiment ou opéra autobiographique ?
Pourquoi Onéguine refuse-t-il l’amour de Tatiana, spontanément offert avec une totale sincérité ? Par scrupules ? Pourquoi pousse-t-il à bout Lenski, son meilleur ami, au point d’obliger celui-ci à le provoquer en duel ? Et pourquoi enfin, des années plus tard, retourne-t-il sa veste et essaie-t-il d’enlever Tatiana mariée à un vieillard ?
En réalité, Onéguine n’aime que Lensky et il le tue par désespoir, pour essayer de se libérer, de devenir un homme comme les autres, pour en fin de course lamentablement échouer. Onéguine n’est et ne sera jamais rien, le vide sidéral dans le pantalon, jusqu’au jour où par légèreté, ennui, égoïsme, stupidité, il commet, la face est sauvée car c’est un duel, ce crime. Evénement qui le « constitue » peut-être, mais à quel prix !
Dans un décor à la simplicité élémentaire (quelques troncs d’arbres qui montent ou descendent au fil de l’action) la mise en scène d’Alain Garichot, malgré ses vingt ans d’âge tient toujours la route.
Pour avoir écumé la France et la Navarre, le presbytère a toujours gardé son mystère et le jardin son éclat … Un réel climat d’ennui, de rêve, d’espoir, de désespoir se crée, car toujours intérieur, sensible, dramatique, romantique en diable, de ce romantisme frais, à l’image de la jeunesse des protagonistes.
Dans ce bal des vampires où les cœurs saignent, les fantasmes les plus inavoués vont et viennent entre banalité des scènes quotidiennes, bavardages courtois, confessions, valses endiablées ou mortifères, souvenirs furtifs, cette belle mise en scène, rigoureuse, cohérente, qui refuse l’anecdote ou le recours au folklore tapageur aurait peut-être gagné à éclairer, sans fausse pudibonderie, la vraie nature de l’amitié entre Onéguine et Lensky.
Voilà toutefois un Eugène Onéguine tout en élégance. S’attachant à la psychologie des personnages et à leurs sentiments, Alain Garichot illustrant de belle manière, le passage, ici cruel car sans appel, de l’adolescence à l’âge adulte où chacun est renvoyé à sa solitude, son mal d’être, sa névrose, sa psychose.
Pour cet opéra, où la réalité dépasse la fiction, il faut un trio de choc. Jeune et beau. Pari presque tenu à Marseille. Marie-Adeline Henry campe une Tatiana écorchée vive, belle à faire damner toutes les icônes de Moscou, rêveuse, aristocrate racée aux scènes ultimes (…) ».
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